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FAQ

Questions et objections fréquentes

Questions de fond

La faim dans le monde résulte en premier lieu des inégalités de richesses, accentuées par l’essor du modèle agro-industriel. Les principales victimes de la faim sont des paysans pauvres, petits propriétaires ou « sans terre ». La révolution verte a encouragé la concentration économique et l’intensification des pratiques dans les pays du Sud comme dans les pays du Nord. Seule une partie de la paysannerie a pris part à ce mouvement, le reste a tantôt été contraint d’abandonner ses terres, tantôt marginalisé sur les zones les moins fertiles et réduit à une agriculture de subsistance peu compétitive.

La mondialisation des marchés agricoles et le libre échange ont de plus conduit à une mise en concurrence internationale entre l’agriculture à hauts rendements des pays industrialisés et l’agriculture peu productive des pays du Sud. Contraints d’aligner leurs prix sur ceux du marché, les paysans les moins compétitifs ne peuvent vivre de leur travail, s’enfoncent dans la misère et quittent souvent les campagnes pour rejoindre les bidonvilles.

Sur ces problèmes de fond, s’ajoutent des crises politiques, économiques ou environnementales, ponctuelles ou chroniques, qui aggravent à plus ou moins large échelle l’insécurité alimentaire.

Développer la résilience alimentaire locale en France et les alternatives au système agro-industriel participe à la lutte contre l’insécurité alimentaire mondiale. En particulier :

– cela limite l’import de tourteaux de soja, d’huile de palme ou d’autres matières premières agricoles, responsables de la destruction des écosystèmes et de l’agriculture nourricière des pays exportateurs ;

– cela réduit la concurrence entre alimentation animale et alimentation humaine ;

– cela réduit les émissions de gaz à effet de serre, les besoins en ressources, et donc diminue les risques liés aux menaces globales face auxquels les paysans pauvres des pays du Sud sont les plus vulnérables.

La résilience alimentaire correspond à la capacité du système à garantir la sécurité alimentaire de l’ensemble de la population. La lutte contre la précarité alimentaire en est donc un élément clé. Les populations aujourd’hui touchées par la précarité alimentaire sont les plus vulnérables face aux perturbations décrites dans ce rapport, rendant d’autant plus urgent le renforcement de la résilience alimentaire territoriale. Les menaces décrites ne sont par ailleurs pas « lointaines », la plupart des situations de crise évoquées pouvant survenir dès aujourd’hui.

Les mesures que nous proposons participent à la lutte contre la précarité alimentaire et encouragent les pouvoirs publics à en faire un élément structurant de leurs politiques de résilience.

En effet, plusieurs régions du monde sont aujourd’hui dans une situation de dépendance alimentaire plus ou moins marquée. Certains pays du Maghreb et du Moyen-Orient dépendent par exemple à plus de 50 % des importations pour leur consommation de nourriture [1]. Cette dépendance est un facteur d’instabilité politique et sociale majeur, comme l’ont illustré les liens entre la flambée des prix alimentaires au début de l’année 2011 et les mouvements de contestation du « Printemps arabe ».

La dépendance alimentaire de ces pays va s’accroître, en particulier avec l’intensification des perturbations climatiques et la désertification des terres. Des pays comme la France auront alors de toute évidence un rôle à jouer dans la sécurité alimentaire mondiale. Celui-ci ne sera toutefois véritablement efficace que s’il s’inscrit dans une politique internationale cohérente, qui redéfinit les règles commerciales afin de ne pas compromettre la souveraineté alimentaire des pays importateurs. Cela ne doit pas se substituer au développement de systèmes alimentaires locaux et résilients dans ces pays, qui reste le meilleur moyen d’améliorer leur souveraineté et leur sécurité alimentaires actuelles et futures.

[1] Le Mouël C. et al. (2015) Le système agricole et alimentaire de la région Afrique du Nord – Moyen-Orient à l’horizon 2050 : projections de tendance et analyse de sensibilité. Rapport final de l’étude réalisée pour le compte de Pluriagri, Paris et Rennes : IN- RA-DEPE & INRA-SAE2.

On ne nourrira plus grand monde sans adapter en profondeur notre agriculture aux contraintes croissantes qui pèsent sur ces facteurs de production. Les menaces présentées dans ce rapport remettent radicalement en question les conditions ayant permis au système agro-industriel de voir le jour. On peut raisonnablement douter d’une stratégie consistant à compenser l’altération graduelle des agrosystèmes (biodiversité, érosion, perte de fertilité…) par une intensification des pratiques qui contribuent à ces dégradations. Sans rejeter par principe telle ou telle technique, il nous paraît indispensable de s’interroger sur leurs conditions d’usage, leurs implications sociales et environnementales, et la plausibilité de leur maintien face aux limites planétaires.

Par une action combinée sur la demande (diminution de la consommation de produits animaux et du gaspillage) et sur la production (développement massif de l’agroécologie et réorientation des efforts de recherche) la disponibilité alimentaire finale peut se maintenir, et surtout gagner en stabilité dans un contexte de perturbations variées. Rappelons à titre d’exemple que 60 % de la production céréalière française qui n’est pas exportée est utilisée pour l’alimentation animale. Plusieurs scénarios quantifiés à l’échelle de la France ou de l’Europe ont fait la preuve de la faisabilité d’une telle transition agricole et alimentaire et des bénéfices associés [1,2,3].

[1] Solagro (2016) Le scénario Afterres2050.

[2] Poux X, Aubert P-M. (2018) Une Europe agroécologique en 2050 : une agriculture multifonctionnelle pour une alimentation saine. Enseignements d’une modélisation du système alimentaire européen, Iddri-AScA. Iddri-AScA: Paris.

[3] Billen G et al. 2021. Reshaping the European agro-food system and closing its nitrogen cycle: The potential of combining dietary change, agroecology, and circularity. One Earth. 4:839–850.

 

De notre point de vue, le plus grand risque de « retour en arrière » résulterait du fait de ne pas avoir prêté suffisamment attention aux multiples avertissements de la communauté scientifique. Sans transformation radicale du système alimentaire, c’est bien le risque d’une décroissance subie et d’un retour des pénuries qui plane.

Nous considérons qu’en plus de renforcer la sécurité alimentaire, les mesures décrites dans ce rapport sont largement innovantes et porteuses de progrès. Sans être exhaustifs :

– Les pratiques agroécologiques sont issues de connaissances toujours plus poussées sur les agrosystèmes, les cycles bio-géochimiques, les interactions avec la biodiversité sauvage. Elles font la synthèse de plusieurs siècles de recherches scientifiques et de découvertes empiriques ;

– La sélection de variétés localement adaptées repose sur des connaissances modernes en génétique, et s’appuie sur une fine compréhension des mécanismes de l’évolution ;

– Le machinisme et l’outillage agricole est un domaine dans lequel les innovations peuvent apporter énormément en efficacité et en résilience au sein des exploitations ;

– Le recyclage des nutriments contenus dans les urines et les matières fécales humaines est un sujet majeur de recherche et d’expérimentation, dans lequel la France affiche un retard certain.

Plus généralement, la lutte contre l’anéantissement du vivant et pour la dignité des conditions d’existence des êtres humains peut également être considérée comme une forme de progrès.

Pointer les dégâts causés par le modèle agro-industriel et questionner la pertinence de ce système face aux changements globaux, ce n’est ni incriminer les agriculteurs, ni considérer qu’eux seuls portent la responsabilité du changement à opérer.

Nous sommes bien conscients de la précarité, voire de la détresse dans laquelle sont plongés nombre d’agriculteurs en France. Cette situation est en premier lieu la conséquence d’une dépendance devenue extrême envers les entreprises de l’agro-industrie, les banques et la grande distribution, dont la logique d’accroissement économique diverge notoirement des intérêts des agriculteurs ou du reste de la société.

Remarquons par ailleurs que les fermes recouvrent une grande diversité de pratiques, et que beaucoup d’agriculteurs sont largement favorables à une transformation profonde du système agro-industriel.

La transformation vers un système alimentaire résilient implique de revaloriser la profession agricole à la fois socialement et économiquement. Ce n’est pas aux seuls agriculteurs de changer, mais à tous les habitants d’un territoire de décider quel système alimentaire ils souhaitent.

Nous défendons la souveraineté alimentaire des habitants d’un territoire, c’est-à-dire la possibilité de s’organiser localement selon des projets de politique agricole et alimentaire construits collectivement. Nous défendons aussi l’autonomie alimentaire des territoires dans la mesure des possibilités de chacun d’entre eux. Face à des risques de perturbations variées et imprévisibles, garantir la capacité du système alimentaire à subvenir aux besoins nutritifs de base de la population avec les seules ressources et équipements locaux nous semble être une précaution raisonnable. Cela n’exclut bien évidemment pas la possibilité de produire davantage ou de commercer ! Au contraire, les liens et la possibilité d’assistance mutuelle entre les territoires sont un facteur de résilience essentiel. Le fait que certains territoires densément peuplés ou à faible productivité agricole soient structurellement dépendants d’autres territoires pour leur approvisionnement alimentaire ne doit pas servir de prétexte pour empêcher un rapprochement de la production et de la consommation de nourriture dans tous les cas où les conditions le permettent.

Les voies de résilience proposées dans ce rapport s’appuient davantage sur des orientations politiques que sur de lourds investissements. Protéger le foncier agricole, ajuster les critères des marchés publics pour la restauration collective, trouver des locaux ou des terrains, décloisonner les services pour porter un projet alimentaire, se rapprocher de la SAFER, des Chambres d’agriculture et d’autres organisations locales œuvrant pour la transition du système alimentaire… tout cela a un coût limité mais demande un réel engagement politique.

Cela dit, une ingénierie de projet entièrement dédiée au système alimentaire semble indispensable à l’échelle d’un EPCI, et pourra le cas échéant nécessiter des embauches.

L'association Les Greniers d'Abondance

Jusqu’à octobre 2021, l’association a fonctionné uniquement grâce au bénévolat de ses membres et à du temps de travail dédié dans le cadre du projet ORSAT financé par l’ADEME et l’École Urbaine de Lyon. Les quelques recettes de l’association (cotisations, dons, droits d’auteur sur la vente des livres, prestations) nous permettent de financer des dépenses modestes (hébergement internet, lettre d’information, assurance, services, réunions).

Des financements spécifiques dédiés au développement de l’outil CRATer ont été obtenus auprès du Ministère de l’Agriculture et de la fondation Carasso et nous permettent d’avoir depuis octobre 2021 deux salariés affectés à ce projet pour 18 mois.

En tant qu’association dont le fonctionnement et les moyens reposent aujourd’hui entièrement sur le temps bénévole de ses membres, nous avons choisi de mettre notre énergie là où nous pensons pouvoir apporter le plus : la poursuite de nos travaux de recherche, la production d’outils d’intérêt collectif, et la sensibilisation (décideurs, citoyens, acteurs du système alimentaire).
 
Dans le cadre de certains projets de recherche-action, nous travaillons avec des collectivités partenaires spécifiques (Grand Angoulême, Métropole de Lyon, commune de Dieulefit). En dehors de ces projets, nous ne proposons pas aux collectivités de services d’accompagnement sur le long terme dans leur démarche de renforcement de leur résilience alimentaire.
 
Nous pouvons cependant apporter une aide ponctuelle sous réserve de disponibilité de nos membres. Cette page récapitule les outils à disposition des collectivités et les possibilités d’intervention de notre part.

« Collapsologie » est un terme proposé dans l’ouvrage « Comment tout peut s’effondrer » pour désigner « l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder » [1]. Les auteurs défendent la thèse que les conditions matérielles ayant permis à notre civilisation thermo-industrielle de prospérer vont être prochainement remises en cause par une conjonction de crises écologiques, énergétiques et économiques, menant ainsi à son effondrement. Suite à un glissement sémantique, l’appellation « collapsologue » est souvent employée pour désigner les partisans de la théorie de l’effondrement de la civilisation industrielle.

Cette thèse – déjà popularisée dans les années 1970 [2]–, a fait l’objet d’une attention croissante, l’ayant naturellement conduite à être débattue. Si certaines critiques minimisent voire dénient la réalité des constats scientifiques accablants à l’origine des discours sur l’effondrement, d’autres questionnent davantage leur nature « occidentalo-centrée » et dépolitisée, l’homogénéité spatiale et temporelle du processus, ou soulignent les dérives anti-sociales auxquelles peut conduire la propagation d’un tel message [3,4]. Le concept même « d’effondrement » peut être interprété de diverses manières, une polysémie source d’incompréhension et de positionnements souvent caricaturaux. Il s’agit ainsi pour certains d’une « réduction drastique de la population humaine, et/ou de la complexité politique, économique, sociale, sur une zone étendue et une durée importante » [5], pour d’autres d’un « processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis à un coût raisonnable à une majorité de la population par des services encadrés par la loi » [6]. Il est notable que cette deuxième définition corresponde à une situation dans laquelle sont aujourd’hui plongées de nombreuses régions du monde : États faillis, guerres civiles, ou extrême pauvreté. Sans chercher à nous positionner dans ces débats, il nous semble essentiel de rappeler que l’anéantissement en cours de la vie sauvage, la vitesse du changement climatique et l’épuisement actuel des ressources naturelles constituent des événements sans précédent dans l’histoire humaine. Leur singularité et leur ampleur se mesurent sur des échelles de temps géologiques. Ils ont déjà, et auront de façon certaine, des conséquences majeures sur l’organisation de nos sociétés. Ces considérations ne relèvent pas d’une interprétation idéologique : il s’agit d’observations partagées par toute la communauté scientifique.

[1] Servigne P. et Stevens R. (2015) Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations pré- sentes. Le Seuil, Anthropocène, Paris. 

[2] Meadows DH. et al. (1972) The Limits to growth; a report for the Club of Rome’s project on the predicament of mankind. Universe Books, New York.

[3] Interview de Luc Semal (2019) L’effondrement ne devrait pas être l’alpha et l’oméga de l’écologie politique. Socialter.

[4] Cravatte J. (2019) L’effondrement, parlons-en… Les limites de la « collapsologie ». Barricade

[5] Diamond J. (2005) Collapse – How societies choose to fail or succeed. Viking Press.

[6] Cochet Y. (2011) L’effondrement, catabolique ou catastrophique ?